samedi 30 août 2014

A propos de la tuilerie de La Palière : ses baux et son devenir



Construite en 1722 sur les terres de la Dame de Prangin, femme du seigneur de Pingon, la tuilerie de La Palière* devient la propriété de son fils, Aimé Vincent Gaspard de Pingon, comte de Sallenoves, seigneur de Marlioz (canton de Frangy), Feuillan, Prangin (à Lochieu) et coseigneur de Culoz.


Dans un bail à ferme du 1er janvier 1779, il donne pour une durée de 9 ans, à Etienne Tonnet dit Mirandellaz, la tuilière, prés et bâtiments pour le prix de 750 livres en argent, 2 gros bateaux de pierres appelés courtes (de 6 à 7 m. de long, de 30 tonnes de charge environ), « chargés à fil bande », lesquelles pierres sont pour faire un fond perdu dans le Rhône, dans l’endroit où le Rhône endommage le pré (et ensuite ils seront placés par ledit preneur chaque année dans l’endroit que ledit seigneur lui « indiquera ? ») et de bonnes et grosses pierres pour la maçonnerie qu’il devra construire à ses frais et les mettre sur terre au sommet du pré, du côté du couchant et du chemin qui règne le long du Rhône, afin qu’ils ne gênent point les passants.


En 1818, la tuilerie est devenue la propriété de Joseph Cottin qui la loue à François Collin pour 6 ans. 
Bail de Lavours de 1818
Les données du bail ont changé : le preneur doit travailler exclusivement pour le propriétaire, exécuter ses commandes de tuiles et de chaux, étant payé « à la tâche ». 
Il doit aussi entretenir la maçonnerie du four, il n'est pas mention de l'entretien de la rive du Rhône.

En 1851, située sur la parcelle A 1 n°10, elle est détruite par le Rhône.

Reconstruite 5 ans plus tard, un peu plus loin, en 1856 sur la parcelle A 183, elle passera ensuite à la famille Rozier qui fera différentes transformations et dont trois générations au moins se succédèrent, trois frères furent les derniers tuiliers. Elle sera ensuite connue sous ce nom ou plus habituellement appelée tuilerie de la Palière. La production s’interrompit vers 1945, la dernière « fournée » fut cuite en 1946.
Actuellement les anciens hangars abritent un restaurant.

Pendant plus d'un siècle et demi, les crues du fleuve ont épargné cette construction et les exigences du premier bail qui pouvaient apparaître bien contraignantes ont sans doute jugées obsolètes.

Les débordements du Rhône ont souvent occasionné des dérangements dans le travail des nombreux tuiliers situés le long de son cours. Ce fut le cas pour les deux autres tuileries de Lavours.

Celle de la famille Langlois était fréquemment atteinte par les eaux du fleuve qui pénétrant dans l'écurie, obligeaient à déplacer les animaux. L'eau s'élevait le plus souvent jusqu'au niveau de l'aire de fabrication située environ un mètre plus haut. A cette saison l'argile ne pouvait être extraite, il n'y avait pas de fabrication de tuiles, on extrayait la roche calcaire pour fabriquer la chaux.


Tuilerie Langlois de Lavours, peut-être construite en 1905

La troisième, la tuilerie Béard-Colin dut s’arrêter en 1936, où, à la suite d’une très importante inondation, l'eau détruisit la production d’une année qui se trouvait en attente de cuisson.
Ce risque était connu des exploitants qui, pour s’en protéger, avaient construit un mur de 0,50 m de hauteur en limite de propriété. Il s’avéra insuffisant cette année là. 
La perte d'exploitation entraîna l'arrêt définitif de l'activité.

Tuilerie Béard de Lavours

* Palière signifie enrochement


Jean Maret
Auteur du livre "L'aventure des tuiliers en Avant-Pays savoyard" co-écrit avec Michel Tissut


samedi 9 août 2014

Les Bancs : un fort de protection pour Pierre-Châtel


Fort-les-Bancs - commune de Virignin





















Après les deux sièges de Pierre-Châtel, par les Autrichiens, en 1814 et 1815 il est décidé de renforcer la forteresse. 

On construit un ouvrage pouvant résister à un siège de trois mois avec une garnison de 300 hommes. 
Le fort devait protéger des tirs d’artillerie provenant du Mont Chevru en Savoie ou de la montagne de Parves.














La construction débute en 1840 et s’achève en 1849. 
La citadelle est inaugurée en 1850. 
En 1860, la Savoie devient française et le fort obsolète. Aucun coup de fusil ou de canon ne sera tiré du fort …
















Le fort est déclassé en 1889 et sert de casernement à un détachement du 133ème régiment d’infanterie jusqu’en 1921.




















Régulièrement des corvées de vivres étaient organisées à partir de Pierre-Châtel pour ravitailler Fort les Bancs. Le fort ne possédant pas de four, le pain était cuit à l’ancienne chartreuse.
Le casernement au fort, isolé et loin des cafés de Virignin, était considéré par certains comme une punition.

















1907. Un autre écrit :
" Le capitaine Roullet théologien excellent a menacé de nous boucler si on ne convertissait pas toute sa compagnie. Le lieutenant Symian du fort vient de se loger une balle dans la tête pour affaires de F …… "




Quand le photographe Marcelin de Belley « montait « au fort on organisait une mise en scène. 313, écrit à la craie sur la veste, correspondait au nombre de jours restant à faire avant le retour à la vie civile.



Une escouade de la 6ème compagnie et son caporal posent pour la photo.



La vie militaire est rythmée par les temps libres au fort, les corvées et les exercices sur la montagne de Parves. 



Un groupe de sergents en pose pour Marcelin. Un sergent commandait une demi-section soit 30 hommes. On peut évaluer l’effectif du fort à 180 fantassins.



Le 31 juillet 1914 un soldat de Fort les Bancs écrit :

Chers Parents

Nous sommes sur le départ. Je vous écris il est 6 h et nous prenons le train à Belley vers 9 h du soir nous allons nous diriger sur Remiremont sur la frontière nous sommes à Pierre-Châtel depuis ce matin il n’y a plus rien à Fort les Bancs c’ est tout vaste il n’ y a plus que les murs tout est rentré dans les magasins. Toujours en bonne santé et je désire que ma présente vous trouvera de même.

Votre fils qui part sur la frontière avec courage et qui vous embrasse tous les 3 de tout son cœur et qui ne vous oubliera pas.

133ème d’infanterie – 1ère compagnie – 1er bataillon




Christian Perrais