samedi 29 avril 2023

Histoire médiévale locale : le château de Grammont

Pierre de GERBAIS (1336 –1392) officier savoyard est un petit noble des  environs de Belley qui fait alors partie du Comté de Savoie.
Son ascension lui permet d'accéder au poste de trésorier de Savoie sous Amédée VI.

Il est accusé en 1379 de l'empoisonnement du seigneur Hugues de Grammont.
Cette accusation est essentiellement portée par Geoffroy de Grammont, frère du défunt et héritier naturel, déshérité de l'héritage fraternel par des actes passés entre Hugues de Grammont et Pierre de Gerbais  donnant toutes les possessions familiales aux fils Gerbais.

Au terme de 4 ans de procès, Amédée VII, nommé «  le Comte rouge » successeur d’Amédée VI, accorde sa grâce.
Les fils de Gerbais conservent les biens légués par actes entre Hugues de Grammont et Pierre de Gerbais.
Geoffroy de Grammont, débouté, n'obtiendra jamais la succession de son frère Hugues. 
A savoir : le Château de Grammont qu'il devra céder aux frères Gerbais en 1403
(Réference : Les grandes familles du Bugey, le Chartrier des Arloz)

Pouvons-nous dire que le nom de Grammont vient de ce récit médiéval ? Ou de son implantation ?
Car, sur son grand mont, datant probablement du Xème, voire du XIIème siècle, rénové au XIXème dans le style troubadour, il a fière allure sur cet emplacement dominant la campagne, malgré son délabrement actuel ( décembre 2022).


Il eut maints propriétaires au fil des siècles,  ces évènements laissant des traces émotionnelles dans la mémoire locale.

Des  articles retrouvés le concernant, nous apportent certains faits intéressants :

Entre 1930 et 1935 le domaine produit 1 000 kg d'avoine, 10 000 kg de pommes de terre, 18 000 kg de betteraves, 3 000 kg de blé, plus le produit de 16 vaches.
Sur les 29 ha, 10 sont cultivés, 12 affectés à l'élevage, le reste étant constitué de  bois et de terrains improductifs.
Il faut ajouter un lac de 15 ha sur la commune de St Martin de Bavel, loué.

Ce domaine appartient alors à une dame Puppier. A sa mort en 1937, il est mis en vente par ses héritiers.
Château et terres  sont adjugés à un certain Dupont, ancien cheminot, administrateur délégué de la CGT, pour le compte de laquelle il agit.
Cet achat a pour but d'établir une colonie de vacances pour enfants.

Les travaux sont importants et s'achèvent en 1938 (environ 1 million de francs sont alors dépensés).

Mais la guerre éclate et dès 1939, il sert de logement à des réfugiés étrangers (espagnols, juifs, tziganes, malgaches,  entre autres).
De février 1939 jusqu'en avril 1940,  on compte entre 230 et  240 enfants espagnols,
Puis une cinquantaine de cheminots de la gare de Vesoul qui se sont repliés (1940) y trouvent refuge à leur tour.
Pendant l'occupation, il est vide de tous habitants, hormis le régisseur Carraz et sa famille qui occupent une des dépendances.

Dans sa lettre adressée au Maire de Tenay en 2018,  une réfugiée espagnole, arrivée en 1939 explique son quotidien et sa vie en cette ville, avant d'être déplacée par les Allemands au château de Grammont, qualifié de lieu d'internement.

En 1944, le château est acheté par le Ministère des colonies.

Après travaux, et pour la première année, les enfants des fonctionnaires de ce ministère y sont accueillis: 80 filles  en juillet ; le lendemain de leur départ, les garçons arrivent à leur tour pour un mois également.
Ils sont encadrés de moniteurs qui sont des jeunes gens admissibles à l'Ecole coloniale. Chacun d’entre eux dirige un petit groupe, car une des principales préoccupations des animateurs de cette œuvre est d'apprendre aux enfants la vie d'équipe.
Baptisée «  Colonie Lyautey »  son but est bien défini :
« Refaire aux enfants de notre pays une santé physique et morale pour une vie collective et d'équipe, à la suite des conquérants de l'empire français »
Ainsi fonctionne le centre dont le chef de cuisine Magnin réalise de copieux repas, et qui, grâce à la ferme qui dépend du château peut assurer à chacun des enfants un demi-litre de lait par jour.

 Un article paru dans «  Le Monde » en juillet 2022,  témoigne de ces faits dans ce château bien connu du Bugey.  
 

Depuis un comité s'est créé pour récolter informations et documents, espérant un mécène pour sauver le château de Grammont dans le village de Ceyzérieu.

Ce château devrait avoir un nouveau propriétaire, souhaitons lui de retrouver l'éclat qu'il mérite, pour subsister, revivre.

La suite de son histoire est à venir, à suivre…

Ch. D.

Documentation : Le Monde, Le Coq Bugiste, photos ABIS et Ch. Derupt

dimanche 2 avril 2023

"L’institutrice des enfants d’Izieu", de Dominique Missika



Octobre 1942 : Gabrielle Perrier originaire de Colomieu, institutrice suppléante est nommée à la colonie d’Izieu.

Elle a 21 ans et prend en charge une classe unique : cinq niveaux, une quarantaine d’enfants de 5 à 17 ans.



L’auteur restitue avec justesse le climat de l’époque et le travail de l’institutrice auprès d’une communauté d’enfants dont elle ne sait pas grand-chose : ce sont des réfugiés de toutes origines soudés par le danger et traumatisés par la perte de leurs parents.

Les conditions matérielles sont précaires : on manque de papier, de livres, de documents. L’institutrice, la directrice et tout le personnel font des miracles pour procurer aux enfants un havre de sécurité.




6 avril 1944. Les Allemands raflent la colonie. La directrice Sabine Zlatin et Gabrielle Perrier, absentes ce jour là échappent à la déportation.

Après la libération, on recherche le délateur. Plusieurs possibilités sont évoquées, aucune n’est concluante.

Suit une longue période de silence.

Gabrielle Perrier poursuit sa carrière dans la région, notamment à Ambléon puis à Tenay.

Klaus Barbie condamné par contumace est en fuite.

1971. Il est localisé. La Bolivie refuse de l’extrader.

1977. Gabrielle Perrier, qui s’est mariée avec Marius Tardy, prend sa retraite à Belley.

1983. Barbie est extradé et incarcéré à Lyon.

Il sera jugé pour crime contre l’humanité.

Gabrielle Perrier-Tardy témoignera.

1987. Le procès a lieu à Lyon en mai. Klaus Barbie refuse d’y assister.

Quarante ans après la déportation des enfants, l’opinion publique prend conscience de l’horreur évoquée par les témoignages.

La plaidoirie de Serge Klarsfeld, rappelant un à un les noms des 44 enfants assassinés et le sort de leurs parents déportés est un grand moment d’émotion.

Une association coprésidée par Sabine Zlatin et Pierre-Marcel Wiltzer, l’ancien sous-préfet, se constitue pour faire de la maison d’Izieu un musée mémorial.



14 avril 1994 Inauguration de la maison d’Izieu.

Un livre dense, simple, d’une écriture directe et sensible qui rend hommage à une institutrice discrète, décédée en 2010 à l’âge de 87 ans.

On peut regretter qu’à l’occasion de cette réédition il n’ait pas été tenu compte des remarques de Robert Mériaudeau concernant des erreurs ponctuelles.




Le site de la Maison d'Izieu : www.memorializieu.eu